«Ça arrivera, essayons d'y arriver avec la bannière». D'autres periods, d'autres moments, d'autres noms. C'était l'époque d'un football qui n'existe plus, c'etaient les jours de gloire et de rêves incapables de ressortir du tiroir où, par définition, les rêves habitent, grandissent et se bercent. C'était au temps où Agostino Di Bartolomei (la citation est de lui, pour ceux qui s'en souviennent) a été capitaine du deuxième scudetto, protagoniste et victime de son amour pour un peuple et une ville pour lesquels il a tant, trop donné. Il a sacrifié sa vie, faute de pouvoir surmonter la défaite que le sport offre aussi comme leçon, pour grandir. Mais un cœur brisé peut faire mal, et lui, Ago, l’a vécu plus que quiconque. En silence, seul, loin de tout et de tous. Puis, 10 ans après cette fin malheureuse – et d’ailleurs merci de nous y avoir emmenés – la douloureuse preuve qu’on peut mourir à cause de trop d’amour. Il aurait eu 69 ans, il n’en a vécu que 39.
Pourtant, il était là, imprimé dans la tribune Tevere, en train de donner le coup de pied de son missile de football vers la Curva Nord au-delà de toute logique. Parce que «Rome est le cœur antique de cette ville, aussi ancienne que le monde est ancien», comme avait expliqué lui-même, un jour desormais perdu dans le temps. Romain et romanista, Agostino Di Bartolomei n'a laissé que peu de traces face à Lazie. Un seul but, lors du match nul 2-2 d'un 1984 lointain mais clair, nous avec le drapeau tricolore sur la poitrine, eux de retour en première division.
Oui, nous et les autres. C'est derby le 6 avril, deux jours après l'anniversaire de la naissance d'un de ces "Fils de Rome, capitaines et drapeaux... c'est ma fierté que vous ne pourrez jamais avoir". C'est peut-être pour cela que d'autres tentent de minimiser, en parlant d'erreurs, de un Di Bartolomei représenté comme gaucher alors qu'il était en réalité droitier, et une reproduction qui rappelle un certain footballeur Serbe dont se souviennent "les coureurs". Mais là encore, il faut comprendre l’amertume des autres, pour nous qui c'est arrivée, la victoire avec ses trois points à leur détriment. Jamais un cadeau d'anniversaire n'aurait pu être meilleur, pour Agostino, en ce moment qui est aussi proche d'une rencontre étrange, aussi étrange que seul le destin puisse l'être, parfois moqueur, peut-être dérisoire, et pourtant précis dans ses dessins, dans ce cas de calendriers.
Le derby avant le match contre Milan. Agostino avant et après. Avant et après son anniversaire, avec le derby à la veille de sa date de naissance et l'engagement en Coupe UEFA, par contre, qui suivra trois jours plus tard. Avant et après Roma, sa Roma si fortement aimée. Avec le départ de Liedholm et l'arrivée d'Eriksson, c'est l'heure des adieux pour le capitaine. Le nouvel entraîneur ne le considère pas adapté à son type de jeu et il se retrouve sur la liste de licenciement. Ago part, pas avant d'avoir soulevé la cinquième coupe d'Italie de l'histoire des jaunes et rouges devant son peuple, et sans avoir reussi à en soulever d'autre, bien different. "Ils t'ont enlevé la Roma, pas ta curva sud", ce que le Commando Ultrà Curva Sud a dit à son ancien capitaine, au moment de faire ses adieux.
Aujourd'hui, 40 ans après sa dernière apparition chez les Giallorossi, la chorégraphie de la tribune Tevere démontre qu'il existe un peuple plus grande que celle qui vit (dans) la Curva Sud, et démontre aussi que Ago avait bien raison en disant che «il y a les supporters de football, et puis les supporters de la Roma». Ce derby est à nous, mais c'est pour toi. Bon anniversaire.
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